Monday, 29 de April de 2024 ISSN 1519-7670 - Ano 24 - nº 1285

Robert Solé

‘Ancien et fidèle lecteur, Christian de Joux nous écrit de Joigny, dans l´Yonne : ‘Je n´achète pas Le Monde pour y trouver ce que j´ai déjà entendu à la radio et vu à la télévision. Si j´attends chaque jour avec impatience le passage du facteur, c´est pour découvrir les deux ou trois articles qui vont m´inciter à réfléchir, et à infléchir éventuellement mes opinions.’ M. de Joux précise qu´il lit, dans l´ordre, ‘le bas de la première page, puis les pages du milieu (éditorial et analyses), puis la météo…’

La météo ? Eh oui ! On peut considérer Le Monde comme un journal de réflexion et attendre de lui des informations pratiques. Voire des services très concrets : Adrien Nataf (Paris) est furieux par exemple de ne plus trouver dans le supplément ‘Télévision’ les codes-barres qui lui permettaient d´enregistrer facilement des émissions, surtout en son absence. ‘Regrettable décision, commente-t-il. A rétablir SVP.’

Je crains malheureusement que cette suppression ne soit définitive. Si Le Monde a enlevé les codes-barres, c´est parce qu´ils lui coûtaient cher et occupaient trop de place, alors que le nombre de chaînes télévisées ne cesse d´augmenter. On peut ajouter ­ sans être sûr de convaincre M. Nataf ­ que ces enregistrements automatiques ne sont pas toujours commodes en raison de retards fréquents dans les programmes…

La transformation de la rubrique météorologique, cet été, n´a pas échappé aux lecteurs qui la consultent quotidiennement. Les prévisions portent désormais sur la France (six jours), l´Europe et le monde. Certains ne s´y retrouvent pas. ‘Que nous apprend ce planisphère quotidien, demande Viviane Orban (courriel), sinon qu´il pleut beaucoup sous l´équateur (toute l´année) et sous le tropique Nord en saison des pluies ?’ Robert Janin, de Cunfin (Aube), ne comprend pas pourquoi ‘on a modifié un e rubrique qui était claire et lisible’ .

Le Monde a changé de prestataire. Ce n´est plus Météo-France qui lui fournit cartes et prévisions, mais une petite société suisse, MétéoNews, dont l´avantage est d´être moins chère, plus souple et mieux adaptée à un quotidien d´information. Chaque jour, pour la France comme pour l´ensemble de la planète, elle souligne un événement ou y réagit. Vendredi 9 septembre : ‘Les orages s´évacuent vers l´Italie’ et ‘La tempête Ophélia devrait rester au large de la Floride’ .

Une lectrice parisienne, Michèle Bézille, réclame les isothermes et, pour la carte de l´Europe, aimerait que soient ajoutés ‘quelques repères géographiques, comme la position des Açores, le nom de l´Islande, le cap Nord’. Elle sera peut-être entendue. A l´image de ce lecteur écossais de Bourgueil (Indre-et-Loire), R. J. Ross, qui a bataillé ­ avec succès ­ pour qu´Edimbourg figure dans le tableau des villes citées…

De toute manière, la météo va encore évoluer avec la nouvelle formule du Monde , à partir du 7 novembre prochain. Sans trahir de grands secrets, on peut préciser qu´elle sera mieux présentée, en couleurs, et disposera d´une place au moins égale à l´actuelle.

Ne le dites pas à Henri Troigros, lecteur de Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne), qui nous écrivait le 4 août : ‘Depuis quelque temps, la rubrique ‘Marchés’ se limite au CAC 40. Le modeste détenteur de valeurs françaises que je suis ne retrouve même pas dans le journal le quart des actions qu´il possède. En comparaison, Le Monde vient d´agrandir sa rubrique météo à la dimension planétaire ! Trop ici, trop peu là.’

Le docteur Henry Hayem (Lille) est intervenu vigoureusement dans le même sens : ‘Les cotations du Monde sont réduites désormais au CAC 40 ! Pour un grand journal d´informations, c´est scandaleux. (…) Vous devez, par respect pour vos lecteurs, au minimum donner, comme avant, les valeurs de l´Eurostock 50 et les performances de Francfort, Tokyo, Londres, Paris, New York.’

Alain Hubaut, de Bondoufle (Essonne), ne comprend pas, lui, que Le Monde ait cessé de publier les valeurs des matières premières. ‘Pétrole, nickel et autres métaux sont des indices essentiels. Vous n´êtes pas sans savoir leur importance stratégique grandissante pour l´économie mondiale.’

La raison de ces suppressions est simple, explique Frédéric Lemaître, rédacteur en chef du service entreprises : les tableaux chiffrés prennent beaucoup de place, alors qu´on les trouve aisément sur Internet. ‘Dans le journal imprimé, on a conservé le CAC 40, qui représente la très grande majorité des placements en actions des Français. Le numéro du samedi donne une cote beaucoup plus large et, chaque jour, le Monde.fr permet de connaître toutes les valeurs, en temps réel. Quant aux cours des matières premières, qui sont analysées en détail dans nos pages du week-end, nous n´excluons pas de les rétablir en semaine. Cela dit, l´actualité du pétrole est telle que le cours du brut figure tous les jours en ce moment dans des articles économiques ou politiques.’

Mais peut-on modifier une telle rubrique, du jour au lendemain, sans donner la moindre explication aux lecteurs ? Un abonné d´Antony (Hauts-de-Seine), Michel Leboeuf, nous écrivait cet été : ‘Je tiens à vous exprimer mon mécontentement : depuis une dizaine de jours, et sans prévenir ou en donner la raison, vous avez réduit de moitié les rubriques conjoncture et marchés (…) . Une fois de plus, je regrette la désinvolture de ce journal, qui ne juge pas utile d´expliquer à ses lecteurs les raisons de telles modifications rédactionnelles.’

IL n´est pas possible à un quotidien comme Le Monde , qui dispose lui-même d´un site très complet, d´ignorer l´existence d´Internet. Aujourd´hui, que ce soit pour la météo, les valeurs financières, les textes de lois ou d´autres informations, il suffit d´interroger son écran pour savoir à peu près ce qu´on veut. Mais un journal ne peut pas ­ – pas encore ? ­ – partir du principe que tous ses lecteurs sont reliés à la Toile ou désireux de s´informer de cette manière.

Supprimer la météo, par exemple, conduirait à une insurrection, même si les prévisions climatiques bénéficient d´innombrables bulletins à la radio, de chaînes télévisées spécialisées et de services très détaillés sur Internet. L´heure n´est pas à la suppression, mais à une offre plus personnalisée : prochainement, Le Monde proposera à ses lecteurs un numéro de téléphone leur permettant de poser des questions précises à un météorologue.

Pourquoi des internautes attendent-ils du journal des informations qu´ils pourraient aisément trouver sur la Toile ? Accordent-ils plus d´autorité à la chose imprimée ? Y voient-ils un plus grand confort ? La météo pour les uns ou la rubrique ‘Conjoncture et marchés’ pour d´autres sont des rendez-vous quotidiens, qu´ils ont besoin de retrouver, d´avoir sous les yeux, de relire si nécessaire. On dépasse là une simple fonction utilitaire : s´enquérir du temps qu´il fera à 1 000 kilomètres de chez soi est aussi une manière de voyager et de rêver… Mais l´avenir de ces espaces dépend aussi de leur richesse et de leur originalité. Pour soutenir la concurrence d´Internet, le journal doit apporter une valeur ajoutée, y compris pour des informations pratiques.’